Contre le coup de frein aux projets citoyens d’énergie renouvelable

VOEU présenté par le groupe Ecologie et Solidarité lors de la session plénière du 24 et 25 février 2022.

VOEU adopté.


La France peine à prendre la mesure du fait que la transition énergétique, pour être réussie, devra se faire avec et pour les territoires, en impliquant les citoyens, les collectivités et les entreprises dans des projets vertueux écologiquement, financièrement et socialement.

Alors que la Ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, regrettait en janvier 2021 qu’il y ait « encore trop peu de projets citoyens », un nouvel arrêté tarifaire pour le photovoltaïque est entré en vigueur le 9 octobre 2021. Celui-ci met un coup de frein aux projets de production d’énergie renouvelable photovoltaïque qui associent une collectivité et des citoyens.

L’article 13 de cet arrêté tarifaire prévoit une impossibilité de cumuler tarif d’achat et autres aides publiques à la production d’électricité. Il s’agit d’une traduction excessivement stricte de la législation européenne et plus précisément de l’article 8 du règlement du 17 juin 2014 (ou Règlement général d’exemption par catégorie) qui interdit le cumul des aides publiques provenant du tarif d’achat prévu par l’État, d’une part, et des collectivités locales ou d’ailleurs, d’autre part. Ainsi, les aides visant les équipements et les marchés de travaux de pose ne pourront plus être cumulées avec le tarif d’achat. Même si les subventions de fonctionnement aux associations et coopératives, les subventions à la mobilisation citoyenne, et autres subventions à la réalisation d’études antérieures à l’installation panneaux photovoltaïque restent autorisées, il convient de rappeler que la combinaison des subventions locales et du tarif d’achat est vitale pour les projets solaires citoyens.

Les projets à gouvernance locale sont indispensables à la transition énergétique, et ceci est particulièrement vrai pour ceux situés dans la moitié Nord de la France qui, du fait d’un moindre ensoleillement, ne sont pas suffisamment soutenus par le nouveau tarif d’achat prévu dans le décret. Le co-investissement des collectivités engagées aux côtés des citoyens peut rendre viable ces projets essentiels à la transition énergétique.

C’est la raison d’être du dispositif « 1 euro citoyen, 1 euro de la Région » que le Conseil régional Centre-Val de Loire a mis en place précisément dans le souci d’associer les citoyens à la transition énergétique. Il se retrouve ainsi sur la sellette.

Pis, toute installation ayant fait une demande de raccordement postérieure à la parution de l’arrêté tarifaire photovoltaïque est soumise à cette interdiction. Cela signifie que tous les projets ayant fait une demande de raccordement à Enedis avant le 9 octobre 2021 pourront bénéficier du tarif d’achat ainsi que de l’aide de la Région et d’autres aides de collectivités. En revanche, pour les demandes déposées après le 9 octobre, les projets pourront choisir entre bénéficier du tarif d’achat et bénéficier de l’aide de la Région et d’autres aides de collectivités. Pour les porteurs de projet ayant déjà perçu une aide d’une collectivité et préférant le tarif d’achat, le remboursement de l’aide sera demandé.

Ce décret donne donc un incompréhensible coup d’arrêt aux projets citoyens photovoltaïques. Incompréhensible car, dans le même temps, la Commission européenne pousse les Etats membres à accélérer leur transition énergétique, en fixant notamment un nouvel objectif de 40 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique en 2030. Elle a également promulgué deux directives reconnaissant la place des communautés énergétiques, constituées d’acteurs publics, citoyens et entreprises locales, dans le développement d’installations de production d’énergie renouvelable. Enfin, la Commission demande aux Etats membres de consacrer des mesures de soutien spécifiques aux acteurs locaux souhaitant maîtriser directement la production d’énergie renouvelable sur leur territoire.

En 2020, la Région Centre-Val de Loire s’est associée à onze structures partenaires pour monter le projet LIFE_LETsGO4Climate, lauréat de l’appel à projet européen du programme LIFE. Co-financé par l’Union européenne, cette expérimentation pour l’appropriation citoyenne de la transition énergétique s’enracine d’abord dans six territoires. Douze autres suivront, sélectionnés au moyen de deux appels à manifestation d’intérêt. Chacun des territoires sera accompagné du début à la fin pour créer une dynamique collective.

En fin d’année 2021, ce sont 14 projets de production d’énergie photovoltaïque associant des citoyens et des collectivités qui sont aidés par la Région, dont deux projets d’envergure : l’un de 2,9 MWc à Saint-Benoît-la-Forêt (37) porté par Énergies Renouvelables Citoyennes en Rabelaisie, l’autre de 4 MWc à Lignières (41) porté par Énergies Vendômoises.

En conséquence, le Conseil régional Centre-Val de Loire, réuni en séance plénière les 24 et 25 février 2022 à Orléans, demande à Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

  • d’élaborer un nouveau dispositif de soutien au photovoltaïque permettant un cumul des aides dans la limite d’un Taux de Rentabilité d’Investissement de projet maximal (par exemple 6 ou 7 %) avec un mécanisme de contrôle pour attester du fait qu’il n’y a pas de surrentabilité des projets ;
  • de construire un dispositif de soutien spécifique aux communautés énergétiques qui permettent le cumul d’aides pour ces acteurs, reconnus dans les directives européennes comme défavorisés sur le marché par la présence d’acteurs historiques en position dominante. Ce dispositif de soutien devra être mis au point en 2022 une fois le décret d’application sur les communautés énergétiques publié ;
  • de trouver une solution pour les collectivités qui ont subventionné des projets et doivent aujourd’hui récupérer l’argent attribué, mettant en difficulté des coopératives citoyennes.