Pour rendre effective la lutte contre l’évasion fiscale

VOEU co-présenté par les groupes Ecologie et Solidarité, Communiste et Républicain, et Socialistes Radicaux et Citoyens, lors de la session plénière du 10 novembre 2021.

VOEU adopté


En France, l’évasion fiscale nous prive chaque année de 80 à 100 milliards d’euros qui pourraient être consacrés à l’amélioration des services publics, à lutter contre les inégalités et à accélérer la transformation écologique.

Le 3 octobre dernier a été diffusée l’enquête baptisée « Pandora Papers », à laquelle ont collaboré environ 600 journalistes dans le cadre du Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ). S’appuyant sur quelques 11,9 millions de documents qui proviennent de 14 sociétés de services financiers, elle a mis au jour plus de 29 000 sociétés offshore.

Cette fuite de documents financiers révèle les coulisses d’une économie parallèle au bénéfice de riches personnalités qui ont choisi de dissimuler leur fortune dans des sociétés « écrans ». Après les « Offshore Leaks » en 2013, les « LuxLeaks » en 2014, les « SwissLeaks » en 2015, les « Panama Papers » en 2016, les « Paradise Papers » en 2017 et les « CumEx Files » en 2018, ce nouveau scandale illustre les insuffisances du gouvernement français et de l’Union européenne dans la lutte contre ce gigantesque braquage organisé qu’est l’évasion fiscale.

Pendant ce temps, qu’ont fait le Gouvernement français et la Commission européenne ? Suppression de l’« Exit Tax » par la France, directive européenne sur le secret des affaires compliquant le travail des lanceurs d’alerte :  ni la France, ni l’Union européenne n’ont été à la hauteur de l’enjeu.

C’est en réalité une carte blanche à l’évasion fiscale. L’Union européenne est censée être dotée d’un outil pour se prémunir contre ce type de pratiques : sa liste noire des paradis fiscaux. Mais la très grande majorité des Etats cités dans ce scandale comme Hong-Kong, Bélize, les Îles Vierges britanniques, Chypre, la Suisse, Dubaï ou encore les Etats-Unis n’en font pas partie. Moins de 48 heures après la révélation des « Pandora Papers », l’UE avait une possibilité de se rattraper puisque, hasard du calendrier, la révision de la liste était à l’ordre du jour du Conseil ECOFIN. Non seulement les Etats concernés par les « Pandora Papers » n’ont pas été ajoutés, notamment les Îles Vierges Britanniques qui concentrent les deux tiers des sociétés offshore identifiées par les « Pandora Papers ».  Mais de plus, trois Etats ont été retirés, parmi lesquels les Seychelles qui sont épinglées dans ce scandale.

Jusqu’à quand allons-nous accepter qu’une part des plus fortunés continuent de se soustraire à l’impôt ? Combien de scandales la France et l’Union européenne laisseront-elles encore éclater par leur inaction complice face aux paradis fiscaux ?

Alors que le scandale des « Pandora Papers » montre que certains élus bénéficient de ce système contre lequel ils sont supposés lutter, la confiance en l’action politique ne doit pas être ternie par ce vol organisé. Il faut garantir une transparence totale pour lever l’opacité, établir une liste crédible de paradis fiscaux et mettre en place un impôt universel pour faire payer à la source les multinationales et les plus fortunés. Il est temps de faire de la lutte contre l’évasion fiscale une priorité politique française et européenne.

A son niveau, la Région est engagée dans cette démarche via sa politique d’achats responsables, durables et équitables. Le Centre-Val de Loire est la première Région à avoir fait le choix de la norme Iso 20400 qui permet d’intégrer la responsabilité sociétale des fournisseurs dans le processus d’achat régional. La Région veille également au respect des informations transmises en terme social, fiscal et environnemental conformément à la loi Sapin.

En conséquence, le Conseil régional Centre-Val de Loire, réuni en séance plénière le 10 novembre 2021 à Orléans, considère que l’évasion fiscale massive et scandaleuse mise en lumière par les « Pandora Papers » montre l’absolue nécessité d’une lutte efficace contre l’évasion fiscale, en France comme en Europe, et demande en particulier :

  • la révision de la liste noire des paradis fiscaux : certains Etats impliqués dans les « Pandora Papers » comme Singapour ou Dubaï ne figurent pas dans les listes européenne ou française des États et territoires non coopératifs ;
  • l’ouverture d’enquêtes judiciaires sur les ressortissants français impliqués par les « Pandora Papers » ainsi que sur les cabinets les ayant conseillés ;
  • l’interdiction d’accès aux marchés et aux subventions publiques à tous les opérateurs et entreprises ayant des activités dans les paradis fiscaux ;
  • la création d’un cadastre financier international pour permettre aux administrations fiscales de savoir qui possède quoi et d’un « reporting » public des activités des multinationales pays par pays ;
  • le renforcement, en parallèle, de la lutte contre l’optimisation fiscale agressive des entreprises : l’ambition de la démarche initiée dans le cadre de l’OCDE pour une taxation minimale des multinationales et une meilleure répartition de la taxation des bénéfices doit être amplifiée, et la France doit y défendre a minima le taux plancher de l’OCDE.

Enfin, dans la poursuite de ses engagements en matière d’achats responsables, la Région Centre-Val de Loire engagera la mise en œuvre d’un dispositif conduisant les entreprises contractantes avec elle à certifier leur refus de toute forme d’évasion fiscale.