Production : de quelle agriculture voulons-nous ?

Plus de 9000 porcs, massés dans une même vaste exploitation. Est-ce réellement la norme agricole que nous souhaitons pour nos élevages ?

Depuis plusieurs mois, un tel projet est en train de sortir de terre dans le sud de l’Indre, dans les communes de Feusines et Pérassay et ce malgré l’opposition tenace des riverain·es et d’élu·es des communes environnants. Ici, l’extension d’une porcherie déjà existence menace une partie d’un territoire dont les qualités paysagères, humaines, agricoles lui valent, pourtant, d’être considéré pour la création d’un nouveau Parc Naturel Régional sud-Berry. A l’évidence dangereux pour le climat, la ressource en eau et la biodiversité, cette structure est pour nous contraire à la vision de la majorité régionale d’un élevage paysan à taille humaine, soucieux des conditions de travail, rémunérateur et autonome, respectueux du bocage et des prairies, et surtout garant du bien-être des hommes et femmes impliqué·es, ainsi que des animaux.

Deux jours de session pour évoluer

Lors de la dernière session plénière du Conseil régional, les 9 et 10 novembre à Châteauroux, nous avons proposé l’adoption d’un vœu contre ce projet. Vœu rejeté de justesse, conséquence de l’abstention du groupe Socialiste, Radicaux et Citoyens, malgré l’adhésion des élu·es du groupe Communiste & Républicain et d’une poignée du groupe Centre, Démocrate, Républicain et Citoyen. 

Les risques encourus par le territoire n’ont pas été suffisants pour convaincre cette partie de la majorité de choisir une autre voie. Pourtant, là est la question. 

Quel territoire voulons-nous participer à construire ?

Tout au long des deux jours, la question de son aménagement, la politique agricole et l’alimentation ont été au cœur des débats. A travers le vote de rapports comme le nouveau cadre pour les Contrats Régionaux de Solidarité Territoriale (CRST) ou le Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation (SRDEII), des enjeux clé pour l’avenir de nos territoires se dessinent notamment l’objectif de zéro artificialisation nette en 2050, fixé par la loi.

Partout dans la région, de vastes projets inutiles menacent des terres agricoles. Un collectif des luttes locales s’est organisé à l’échelle régionale depuis un an et nous alerte sans relâche. 

Dans le Loir-et-Cher, à la Ferté-Saint-Cyr, sur le domaine des Pommereaux, un complexe de loisirs pourrait faire disparaitre 244 hectares de terres agricoles, 43 hectares de forêts et 53 hectares de zones humides. Dans le Loiret, la lutte s’organise contre la construction d’un lotissement de 66 hectares (250 logements) sur une forêt et des zones humides à Saint-Cyr-en-Val. 

Bassines, non merci !

Dans le Cher, une possible bassine, souhaité par un agriculteur de la Champagne Berrichonne, inquiète des riverains de la commune de Baugy. Étudié pour une surface de plus d’un hectare et demi, elle permettrait de pomper et stocker 50 000 m3 d’eau. Un volume moins important que les projets les plus décriés, mais qui questionne tout de même et appelle à affirmer notre position sur le partage de la ressource en eau.

Nous défendons une répartition équitable, quand ces bassines ne profitent qu’à une petite minorité d’irrigants au détriments de tou·tes. Elles ne visent qu’à maintenir en sursis un modèle agricole à bout de souffle. 

Nous avons soulevé ces questions, à Châteauroux, lors du débat sur le nouveau FEADER 2023-2027 (Fonds européen agricole pour le développement rural). Car pour la première fois, le financement de l’irrigation est prévu dans la maquette. La mise en place de cette nouvelle version n’est pas sans soulever de nombreuses interrogations. Notre groupe sera vigilant sur les investissements qui pourront être soutenus à ce titre, notamment sur leur taille et sur le type de culture auquel ils serviront. 

Accompagner les réseaux d’agriculture paysanne : INDISPENSABLE

2023 sera un tournant dans le fonctionnement FEADER. A l’Etat revendront les aides surfaciques, notamment les mesures agroenvironnementales et climatique et le soutien à l’agriculture biologique… Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, le gouvernement a remis en cause l’aide au maintien en agriculture biologique. Notre groupe a toujours veillé au sein du Conseil régional Centre – Val de Loire à inscrire les fonds nécessaires pour la conversion et le maintien des exploitations certifiées bio.

Point positif tout de même, la Région prendra le pas sur l’axe d’animation, auparavant responsabilité de l’Etat. Dès lors, encourager les réseaux d’agriculture paysanne, tel InPACT est primordial. A travers le travail des ADEAR (Association pour le développement et l’emploi agricole et rural), une autre vision de la ruralité, du monde paysan et d’une agriculture plus durable est mise en valeur. Des alternatives concrètes sont proposées. Le soutien à la création de postes dans les structures départementales est donc indispensable. Nous serons vigilants à ce que la Région continue d’aider ces associations, que ce soit dans le cadre de Cap’Asso ou via d’autres dispositifs. 

Faire évoluer les mentalités nous semblent d’autant plus nécessaire que le monde agricole fait face à des enjeux cruciaux d’installation et de renouvellement des générations.

Dans les 10 ans à venir, la moitié des agriculteurs doit partir à la retraite…

Jérémie Godet et Betsabée Haas

Co-Président-es du groupe Ecologie et Solidarité