EDITO de la Newsletter #10
Éviter. Réduire. Compenser.
Éviter de construire quand ce n’est pas indispensable, réduire l’emprise des terres artificialisées et compenser celles qui l’ont été.
Ce sont les actions qui vont s’imposer à nous dans les prochaines années afin de préserver ns sols, ce bien vital à tous, trop longtemps considéré comme une ressource infini, disponible à tout moment. Nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien. Les atteintes quantitatives et qualitatives s’inscrivent dans le temps dès lors qu’une terre a été artificialisée. Elles impactent, irrémédiablement, tous les équilibres. Les conséquences sont désastreuses : extinction de la biodiversité et destruction des écosystèmes, augmentation du niveau de pollution et des émissions de CO2, perte de terres et d’autonomie agricole, aggravation des catastrophes naturelles, etc.
L’urgence d’agir est prégnante.
Entre 1982 et 2018, les surfaces artificialisées ont augmenté de 72 % à l’échelle nationale, soit 57 600 hectares de plus par an (plus de cinq fois la surface de Paris). On atteignait alors un total de 5 millions d’hectares artificialisés, une fois et demie la surface de la région Centre – Val de Loire !
Progressivement, l’idée d’aller vers « zéro artificialisation nette » (ZAN) a émergé.
Son principe : décroitre le rythme de consommation galopante de terres, notamment celles classées naturelles, agricoles ou forestières jusqu’à trouver un équilibre où, pour chaque espace artificialisé, une surface équivalente devra être renaturalisée.
Depuis des années, nous alertons sur cette nécessité.
Nos prédécesseurs ont, notamment, permis l’adoption en 2019 d’un Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET) ambitieux. Les objectifs fixés : diviser par deux la consommation d’ici 2025, puis tendre vers une artificialisation nette nulle en 2040. Il prévoit, notamment, de garantir les capacités de production alimentaire de la région, en ne se privant pas de terres agronomiquement riches et productives. Une avancée pionnière.
En 2018, cette visée a également été introduite à l’échelon national. Avec une programmation légèrement moins ambitieuse, le gouvernement s’est engagé, en 2021, sur la voie du ZAN.
Il annonce alors viser, pour 2030, une division des surfaces artificialisées par deux. Première étape pour atteindre le « zéro artificialisation nette » en 2050. Une évolution dont nous nous réjouissons, mais qui, pour le moment, semble encore rester à l’état de vœu pieux. Aucun cadre d’application n’a été édité et à tous les échelons, l’information manque pour accompagner et guider. Les différents acteurs du territoire sont livrés à eux-mêmes.
Et légitimement, le ZAN affole.
Aujourd’hui, les premières interventions sont pour demander des modalités d’application allégées. Des sénateurs de droite souhaiteraient, par exemple, voir les grands projets exclus du calcul de surface considérée. Partout, l’inquiétude grandit, notamment auprès d’élu-es qui craignent de se voir refuser des implantations d’usines, d’infrastructures ou de zones pavillonnaires qu’ils-elles espèrent salvatrices pour leur bassin d’emploi et de vie.
C’est le cas de ceux-celles courtisé-es par les plateformes logistiques, des projets en hausse dans toute notre Région, motivés par la proximité avec l’Ile-de-France, le faible coût à l’hectare et l’accessibilité des axes routiers. Ils promettent des emplois par centaines… Un miroir aux alouettes. Les études montrent que le développement de l’e-commerce et des zones dites XXL détruit plus d’emplois qu’il n’en crée, dans un contexte, de surcroit, d’automatisation des tâches dans ce domaine. Les conséquences néfastes sont multiples : augmentation du trafic routier, de la pollution… Des séquelles durables. Loin d’apporter des bénéfices, leur présence pourrait, au contraire, freiner des projets de relocalisation d’activités plus vertueuses.
Réinventer le modèle économique
Raisonner l’artificialisation des sols n’entrainera pas une déprise économique dans les territoires, bien au contraire. Pour répondre aux craintes, nombreuses, réinventer un modèle économique est une piste prometteuse. Cela passe, par exemple, par la réorientation des compétences des ouvriers du bâtiment : rénover les logements anciens plutôt que de construire de nouveaux programmes. Accompagner les élu-es avec des compétences d’ingénierie permettra d’élaborer des réponses respectueuses du ZAN. Des solutions existent, nous les connaissons. A nous d’exiger leur mise en place.
En Centre – Val de Loire, la surface artificialisée, 4,4% du territoire (en 2018), globalement inférieure à la moyenne nationale, nous plaçait comme une région relativement préservée par rapport à d’autres. Les constructions semblaient même être en légère décélération depuis 2012. Mais ces approches masquent des réalités : le ralentissement est moindre ici qu’ailleurs, six terrains de football par jour dans notre région. De plus, les constructions les plus récentes étaient majoritairement destinées à des zones industrielles ou commerciales, des réseaux de communication et non de l’habitat. Une orientation extrêmement alarmante.
Actuellement, en Centre – Val de Loire, vingt-trois associations réunies en comité de Luttes Locales viennent de déposer une demande de moratoire pour un gel des constructions et projets attentatoires à l’environnement et favorisant le réchauffement climatique en Région Centre-Val de Loire. Légitimement, ils souhaitent l’arrêt des projets pour laisser le temps aux concertations d’avoir lieu, et de connaitre les modalités d’application du ZAN.
Le groupe Écologie et Solidarité au Conseil régional soutient cette demande.
Il y a un an, en mars, nous avions d’ailleurs formulé un vœu en ce sens pour demander ce même moratoire sur les zones logistiques dans la Région, et favoriser le fret ferroviaire afin de limiter les flux de camions. Vœu rejeté suite à l’opposition des élu-es Socialistes, Radicaux et Citoyens et à l’abstention des autres groupes. Déjà à l’époque, nous nous y inquiétons de la multiplication de projets destructeurs.
Nous espérons aujourd’hui voir cette demande aboutir.
Betsabée Haas,
Présidente du groupe Écologie et Solidarité