LETTRE OUVERTE
Lettre ouverte à l’attention de François Bonneau, Président du Conseil régional Centre – Val de Loire.
Objet : La nouvelle délégation de service public de l’aéroport de Tours
Monsieur le Président, cher François,
Le Syndicat Mixte pour l’Aménagement et le Développement de l’Aéroport International de Tours (SMADAIT), dont la Région Centre – Val de Loire est l’un des membres, est actuellement en train de préparer l’attribution d’une nouvelle Délégation de Service Public (DSP) pour une période de 10 à 12 ans à compter du 1er janvier 2024. Le choix du délégataire est annoncé pour le Comité Syndical du 6 juillet 2023. Dès ce vendredi 14 avril, Pierre-Alain Roiron représentera le Conseil régional à une présentation des deux candidats, EDEIS (l’actuel délégataire) et SEALAR.
Si le « subventionnement direct ou indirect au trafic aérien passager » et « toute augmentation des financements régionaux consacrés aux aéroports » sont des désaccords identifiés dans l’accord programmatique et de gouvernance signé pour la mandature 2021-2028, le groupe Écologie et Solidarité tient à attirer l’attention de la majorité régionale sur l’importance stratégique de cette nouvelle DSP et sur les conséquences budgétaires qu’elle aura pour le Conseil régional pendant deux mandatures.
D’après les éléments qui ont été présentés aux membres du Comité Syndical du SMADAIT, il est attendu du futur délégataire :
- un objectif de 400 000 passagers par an, soit plus qu’un doublement par rapport aux années qui avaient précédé la crise Covid !
- la recherche de nouvelles dessertes (Toulouse, Montpellier, Toulon, Nice, Ajaccio, Figari, Milan, Bergame, Barcelone, Madrid, Séville, Manchester, Bristol, Berlin, Stockholm, Oslo ont été citées), avec des « mesures incitatives » sur trois ans pour chaque ouverture de ligne ;
- le démarchage de nouvelles compagnies low cost afin d’être moins dépendant de RYANAIR (EASYJET, VOLOTEA, VUELINGS, EUROWINGS, TRANSAVIA ont été citées, mais ces compagnies-là n’ayant pas le même « modèle » économique que RYANAIR : elles s’installent là où elles pensent que ça va marcher sans attendre qu’un aéroport les sollicite ; le système RYANAIR à Tours va donc en réalité se prolonger) ;
- et, en cohérence avec cette ambition de développement important du trafic, des travaux pour agrandir l’aérogare (coût estimé à entre 3 et 7 millions), le parking voiture (coût estimé à 1,3 million) et le parking avion (coût estimé 1,5 million), soit potentiellement plus de 10 millions d’investissement.
En investissement, ces nouveaux travaux viendraient en plus de ceux déjà financés à hauteur de 9 millions (dont 3 millions de la Région) suite au départ de l’école de chasse. En fonctionnement, cette ambition de doubler le trafic aérien ne pourrait se traduire que par une augmentation du niveau des contributions publiques versées par la Région, le Département et la Métropole. La France est le seul pays à continuer à soutenir un modèle obsolète et coûteux de petits aéroports partout sur son territoire.
Comme le rappelle la stratégie touristique régionale « Ambitions Tourisme 2030 », près de 3 touristes sur 4 sont Français, en provenance principalement des régions voisines dont l’Ile-de-France, et de la région Centre-Val de Loire elle-même. Quant au trafic de l’aéroport de Tours, il bénéficie essentiellement à un tourisme sortant, pour les habitants du Val de Loire vers Londres, Porto ou Marrakech. D’après l’étude « La mobilité des clientèles touristiques en Val de Loire » présentée en 2016 par l’Observatoire de l’Économie et des Territoires de Touraine, seuls 2,7 % des visiteurs et 9,5 % des visiteurs étrangers avaient pris l’avion pour venir dans la région.
Plus que jamais après le rapport de la Chambre régionale des comptes, le groupe Écologie et Solidarité considère qu’il est nécessaire de débattre de l’opportunité de continuer à financer un transport low cost de passagers à l’aéroport de Tours, lequel ne sera jamais économiquement viable (d’où le retrait de la CCI) d’autant que, dans le cas de RYANAIR, c’est une subvention directe à une société condamnée maintes fois par la justice française et européenne.
À l’heure de la renaissance des trains de nuit, ces lignes sont parfois en concurrence économique directe avec le mode ferroviaire décarboné que nous appelons de nos voeux.
Dans le contexte d’urgence climatique et sociale acté par la Région Centre – Val de Loire depuis décembre 2021, le temps est venu d’organiser la régulation et la réduction du trafic aérien, non seulement parce qu’il est très émetteur de gaz à effet de serre, mais aussi pour des considérations sociales : 50 % des vols sont effectués par seulement 2 % de la population.
Le président du SMADAIT porte une ambition contraire visant à augmenter considérablement le nombre de vols et à développer le site aéroportuaire. La Région ne doit pas se laisser entraîner dans une telle fuite en avant dont le premier effet sera une explosion des dépenses d’investissement liées à cet objectif.
Il n’y a pas d’argent magique ! Les montants supplémentaires que la Région devrait mettre sur le développement de l’aéroport de Tours ne seraient pas engagés ailleurs. Le groupe Écologie et Solidarité s’oppose à cette perspective.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos meilleurs sentiments.
Betsabée HAAS
Présidente du groupe Écologie et Solidarité