EDITO de la Newsletter #12
Durant une semaine, la France s’est embrasée.
Elle s’est embrasée face à la douleur, face à la détresse, la peur et l’ostracisation que vit quotidiennement une part bien trop importante de ses citoyen·nes. Le 27 juin dernier, le meurtre de Nahel, 17 ans, a ranimé et fait exploser des sentiments qui sommeillaient depuis bien trop longtemps.
Nos pensées se portent en premier lieu vers la famille de Nahel, ses proches, ses ami·es, mais également toutes celles et tous ceux qui se sentent solidaires de cette mort, par les très nombreuses expériences vécues en écho, marquées par le poids des injustices faits aux personnes issues des quartiers populaires.
Ces mêmes pensées s’adressent également aux personnes qui ont été victimes de cette colère exprimée. Notre groupe condamne les attaques inqualifiables qui ont visé, y compris en Centre – Val de Loire, des élu·es et leurs proches, mais aussi des bâtiments institutionnels, des commerçant·es, des agents de sécurité civile ou de la police.
Nous avons participé dans nos communes respectives aux rassemblements initiés par l’Association des Maires de France afin de manifester notre totale solidarité et notre attachement viscéral au pacte républicain.
Mais, si le pacte républicain implique des devoirs, il est aussi le garant des droits de tou·tes les habitant·es sans distinction de classe, d’âge, de sexe, de couleur de peau, de religion, de genre…
Condamner ces violences ne sert à rien si nous ne cherchons pas à lutter
contre les causes profondes qui les déclenchent
Ce réveil, brutal et choquant, nous en rappelle un autre : octobre 2005, les morts de Zyed et Bouna et les émeutes qui en ont découlé. Il nous met face au vécu dans les quartiers populaires par des habitants pauvres, des jeunes, souvent issus de l’immigration et racisés : exclusion, discrimination liée à l’origine réelle ou supposée et au quartier de résidence, contrôles au faciès, remarques déplacées…
Depuis de nombreuses années, les alertes se multiplient sur la radicalisation de certain·es dans les rangs de la police. À ce titre, le communiqué qu’a publié le bloc Alliance Police et Unsa Police, majoritaire au sein du comité d’administration ministériel avec près de 50% des voix récoltées, est tout autant brutal que symptomatique : ces jeunes y sont qualifiés de « nuisibles », de « hordes de sauvage ». Des mots intolérables qui reflètent le fond d’une pensée en complète contradiction avec la mission des forces de l’ordre.
Le 30 juin dernier, à travers les mots de la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme, l’ONU a d’ailleurs appelé la France à « s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre ».
Emmanuel Macron a qualifié ce meurtre « d’inexplicable » comme il avait qualifié la canicule de l’été 2022 d’imprévisible. Le déni climatique et le déni social sont les deux faces d’une même pièce qui nous mènent droit dans le mur. Cette volonté de ne pas voir ni agir pour contrer ces maux mais au contraire de banaliser, cache mal la forte progression en France et ailleurs de paroles et d’actes émanant d’idéologies racistes, homophobes, sexistes et conspirationnistes. Ces courants politiques dangereux se rendent progressivement acceptables aux yeux de beaucoup, pour finalement rendre possible l’inacceptable : l’affaiblissement du pacte républicain, la dépréciation des valeurs fondatrices de la devise nationale, la déshumanisation d’une partie de la population, allant jusqu’à la mort de personnes dans des conditions qui suscitent l’effroi.
Pour l’heure, nous, élu·es, constatons sur le terrain un retour au calme progressif.
Mais les causes profondes de ces violences ne disparaissent pas pour autant.
Aujourd’hui, le temps est à une prise de conscience face à un phénomène complexe et systémique qui plonge ses racines dans la France coloniale. Il est aussi le temps de l’intelligence collective et de l’action pour que nous puissions construire les conditions favorables à l’émancipation, l’épanouissement et aux droits d’habitant·es trop longtemps mise au ban.
Betsabée Haas,
Présidente du groupe Écologie et Solidarité