VOEU co-présenté par les groupes Ecologie et Solidarité et Communiste et Républicain lors de la session plénière du 14 avril 2023.
VOEU rejeté.
TEXTE du VOEU
En décembre 2021, le gouvernement a décidé d’engager concrètement le projet d’autoroute A 154 en lançant l’appel d’offres pour la mise en concession, avec une mise en service prévue pour 2030.
Il s’agit d’un projet ancien qui n’a cessé de faire débat depuis de nombreuses années. Si ce projet est soutenu par l’essentiel des parlementaires d’Eure-et-Loir, par l’exécutif du Conseil départemental et par des élu.es des agglomérations de Chartres et de Dreux, il est contesté par nombre d’habitant.es, et d’élu.es locaux, par les collectifs citoyens ou bien encore par le député de la première circonscription d’Eure-et-Loir. Ce refus a été notamment exprimé par des pétitions, des manifestations, des recours administratifs, une saisine citoyenne du CESER… La mise en place d’un comité de suivi par la Préfecture d’Eure-et-Loir a confirmé les craintes des opposants. Presque cinq ans après la Déclaration d’Utilité Publique, l’accélération du dérèglement climatique, le développement du stress hydrique et la crise énergétique devraient exiger de reconsidérer un choix de l’ancien monde qui était déjà contestable. Quatre raisons principales subsistent concernant la nocivité de ce projet.
Cette autoroute accélèrerait les processus d’artificialisation des sols et de perte de la biodiversité déjà engagés. Ce projet d’infrastructure est en totale opposition avec la loi Climat et Résilience et notamment avec le Zéro Artificialisation Nette, puisqu’il consommerait 660 hectares de terres agricoles et 90 hectares de forêt. Il entraînerait inévitablement la pollution de la nappe phréatique alimentant la région drouaise en eau potable et une destruction importante de la biodiversité présente sur les vallées de l’Eure et de la Blaise porteuses d’un inestimable patrimoine naturel.
D’un point de vue démocratique, la population n’a jamais été réellement consultée sur ce projet. Un projet de cette envergure s’élève aujourd’hui à 769 millions et des surcoûts sont probables. Cela pourrait impacter les impôts de la population, les collectivités locales étant notamment appelées à contribuer à une subvention d’équilibre de plusieurs dizaines de millions d’euros alors qu’une contribution a déjà été réalisée pour les portions de deux fois deux voies gratuites. Jamais un référendum local n’a été envisagé, alors que l’enquête publique réalisée en 2016 avait recueilli 75 % d’avis opposés.
La question de la privatisation est centrale. L’installation de cette portion d’autoroute entraînerait plusieurs conséquences totalement inacceptables notamment pour les usager.es. La transformation de la RN 154 et d’une partie de la RN 12 en autoroute concédée A 154 constituerait la spoliation d’un bien public contraire aux valeurs d’accessibilité pour tout.es. L’extension du projet au tronçon entre Dreux-Est et Houdan ne relève d’ailleurs pas de la Déclaration d’Utilité Publique, alors que c’est un tronçon de route nationale. Le coût des routes de substitution à réaliser ou sécuriser aux frais des collectivités locales serait aussi bien plus élevé que prévu, au nom de l’exigence bien légitime de sécurité, notamment dans tous les villages qui seraient à nouveau traversés par le transit local gratuit.
Sur le plan du développement économique, nous savons que ce projet, chaînon manquant entre les ports du Havre et de Rouen et le sud de l’Europe, serait un accélérateur des flux internationaux, entraînant dans son sillage le développement de plateformes logistiques et aggravant encore l’artificialisation du département d’Eure-et-Loir. De plus, les déplacements des agriculteurs, artisans et PME, aujourd’hui satisfaits par le réseau local gratuit, seraient plus coûteux et souvent plus longs, comme en témoignent nombre d’entre eux. La vitalité économique locale liée au développement des circuits courts et des services de proximité, véritables locomotives de l’emploi et porteurs de prospérité, serait fortement affectée par cette autoroute coupant le territoire en deux
Un projet alternatif et citoyen existe : c’est le projet MOB 28 présenté par des associations, des citoyen·nes et des élu·es et qui est soutenu par les populations des zones traversées. D’après le ministère des transports, ce projet alternatif coûterait 320 millions d’euros.
Le Conseil régional Centre-Val de Loire, réuni en séance plénière le 13 avril 2023 à Chambray-lès-Tours, en cohérence avec la déclaration d’urgence climatique et sociale qu’il a votée en décembre 2021,
- rejette les nouveaux projets routiers écocides ;
- considère que tous les efforts publics doivent désormais être mobilisés pour les transports actifs et collectifs, notamment ferroviaires ;
- demande donc au gouvernement :
- d’une part que le projet alternatif citoyen MOB 28 soit étudié et comparé avec le projet actuel de mise en concession autoroutière de la RN 154 et de la RN 12 ;
- d’autre part, l’organisation d’une nouvelle enquête publique et le gel du projet, afin que soient prises en compte les exigences démocratiques, économiques, sociales et environnementales de la population eurélienne.