VOEU co-présenté par les groupes Ecologie et Solidarité, Communiste et Républicain, et Socialistes Radicaux et Citoyens, lors de la session plénière du 10 novembre 2021.
TEXTE du VOEU :
La pandémie a mis en lumière les conséquences dramatiques des réformes menées depuis quinze ans et qui ont mis à mal notre système de santé, en particulier notre hôpital public.
La logique productiviste symbolisée par la tarification à l’activité et les méthodes managériales en quête de rentabilité ont généré des effets délétères sur les conditions de travail des personnels, et par conséquent sur la qualité de prise en charge des patients. Le virage ambulatoire a favorisé le secteur privé lucratif et laissé au service public les spécialités couteuses, la gestion des complications et la prise en charge globale des patients.
Suppressions de lits, fermetures de services entiers faute de personnel, absence d’investissement dans les locaux et dans le matériel médical : l’hôpital public est au bord de la rupture. Un lit sur cinq est fermé faute d’infirmer.e.s et d’aides-soignant.e.s. Depuis 2013, 27 000
lits ont été fermés (dont 5 800 en 2020) et 100 000 postes ont été supprimés.
Alors que nous connaissons en France un vieillissement de la population et dans le monde une recrudescence des risques de pandémies et une explosion des maladies chroniques ou psychiques, la diminution des capacités hospitalières apparaît plus que jamais comme une absurdité sur laquelle il nous faut revenir.
La France compte dorénavant près de 50 000 postes vacants dans les métiers du soin et du prendre soin. Cette réalité, tous secteurs confondus, touche l’ensemble du territoire national et notre région n’est pas épargnée, et ce quel que soit le mode de prise en charge, en établissements ou à domicile.
Le constat du manque d’attractivité des métiers du soin et du prendre soin, mis en exergue par la crise sanitaire générée par la pandémie de Covid 19, n’est pas nouveau. Les soignants, comme les organismes gestionnaires et les fédérations qui les représentent, ont maintes fois alerté les pouvoirs publics.
Ces difficultés de recrutement rencontrées ont des conséquences directes sur la qualité et la continuité des soins. En parallèle, le contexte de désertification médicale vient aggraver la situation. Le droit à la santé, droit constitutionnel, n’est dès lors plus garanti. Nous assistons à un véritable chaos sanitaire dont les conséquences immédiates sont la mise en danger des populations, la perte de chances en raison des reports de soin, le retour à domicile brusque et contraint, la diminution du temps de soins et de la fréquence des visites au domicile, …
Quant aux professionnels en poste, la perte de sens et l’épuisement engendrent une augmentation inquiétante du taux d’absentéisme et de la sinistralité.
L’émergence d’une frange de travailleurs pauvres dans les établissements et services, faute d’une rémunération décente et indexée sur l’inflation, ne favorise pas l’attractivité et la fidélisation de ces professions. Cette situation est inacceptable et le Ségur est loin de répondre aux besoins et aux attentes légitimes des soignants. Pire, dans son second volet, il préconise davantage de flexibilité avec la mise en place de l’annualisation du temps de travail, le recours plus accru aux heures supplémentaires, l’abaissement de la durée de repos quotidien, et l’instauration d’une prime d’engagement pour récompenser les soignants qui seraient plus méritants.
Au-delà de la question de l’attractivité des métiers, c’est notre modèle sociétal d’accompagnement des personnes vulnérables dans son ensemble qui est en péril.
Face à l’insuffisance régalienne, la Région Centre-Val de Loire s’est depuis longtemps fortement mobilisée pour améliorer la démographie médicale et paramédicale comme en témoigne les mesures « pour une Région 100% Santé ».
C’est précisément pour répondre aux difficultés de recrutement et améliorer ainsi la qualité de l’accès aux soins sur le territoire régional que la Région a engagé depuis 2019 un mouvement important d’augmentation des effectifs en formation paramédicale.
Toutefois, seule une politique nationale ambitieuse, décloisonnée et coordonnée nous permettra de remédier au défaut d’attractivité de ces métiers pourtant si essentiels et que la France entière applaudissait, il y a de cela quelques mois encore.
« La situation est compliquée »…disait encore le Ministre des Solidarités et de la Santé le 28 octobre dernier lors de sa visite à Blois. Non la situation n’est pas compliquée, elle est indigne.
Plutôt que de mettre en doute les chiffres de l’enquête menée par le Professeur Delfraissy, président du Conseil scientifique, le Gouvernement doit agir réellement pour garantir des conditions de travail et de prise en charge humaines et à la hauteur des enjeux.
En conséquence de cette situation, le Conseil régional Centre-Val de Loire réuni en séance plénière le 10 novembre 2021 à Orléans, considérant qu’il nous faut maintenant (re)construire un modèle de santé solide, capable de faire face aux crises sanitaires et climatiques qui s’annoncent, demande à l’État d’assumer sa responsabilité régalienne et demande :
- L’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits et l’ouverture au contraire de structures nécessaires pour garantir l’accès, la proximité et l’égalité de la prise en charge pour la population sur tout le territoire ;
- Un plan de formation pluridisciplinaire, dans lequel la Région prendra sa part au titre de ses compétences, et un plan massif de recrutement de personnels qualifiés ;
- Un vaste Plan Hôpital qui prenne en considération la pénibilité des métiers avec une revalorisation des conditions de travail et des salaires ; qui augmente les budgets des établissements hospitaliers dès 2022 via la revalorisation de l’ONDAM ; qui réforme les mécanismes de tarification pour sortir des logiques de rentabilité ;
- L’intégration et l’association des usager-e-s et et des soignant-e-s, toutes catégories confondues, aux décisions et projets de soins.
La Région Centre-Val de Loire continuera de son côté à agir au-delà de ses compétences pour réduire et mettre un terme à la désertification médicale, en complément de l’action de l’Etat qui doit être renforcée dans ce sens.