VOEU co-présenté par les groupes Ecologie et Solidarité et Communiste et Républicain lors de la session plénière du 9 février 2023.
VOEU adopté
TEXTE du VOEU
Le 2 janvier 2023, un non-lieu a été prononcé après 17 années d’instruction dans le dossier de l’empoisonnement du vivant au chlordécone aux Antilles.
Ce pesticide extrêmement toxique a été utilisé massivement, de 1972 à 1993 a minima, dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, alors même que les Etats-Unis l’avaient interdit dès 1976 et que l’Organisation Mondiale de la Santé l’avait classé « possiblement cancérogène pour l’homme et perturbateur endocrinien » en 1979. Dans un premier mouvement salutaire, la France avait interdit l’usage du chlordécone en 1968, en refusant son homologation. Mais sous la pression du lobby de l’agrochimie, une autorisation provisoire d’un an a été délivrée en 1972 par le ministre de l’Agriculture, et elle a couru, sous différentes formes, jusqu’à 1993 aux Antilles.
Le chlordécone a été utilisé de façon quotidienne et sans protection par la main d’œuvre familiale (dont 30 % de femmes) et salariée des bananeraies, mais également par les travailleurs en charge des préparations commerciales (achat, stockage) et par ceux qui effectuaient le remplissage des pulvérisateurs.
La dangerosité de certains produits phytopharmaceutiques ayant fait l’objet de nombreuses études, le chlordécone est désormais reconnu responsable de l’augmentation des cas de cancers de la prostate, du pancréas, du foie et des poumons. On en connaît aussi l’impact sur la reproduction et le système endocrinien.
Très persistant en milieu naturel, il empoisonne encore aujourd’hui une large majorité de la population et restera dans les sols, les eaux, la faune et de la flore pour encore 700 ans au moins.
Dans leur décision du 2 janvier 2023, les juges d’instruction reconnaissent un « scandale sanitaire », sous la forme d’« une atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie quotidienne des habitants » de Martinique et de Guadeloupe. Mais elles prononcent malgré cela un non-lieu, qui démontrent in fine que le droit environnemental doit encore évoluer et que l’écocide doit être pleinement reconnu.
En novembre 2019, une commission d’enquête parlementaire, après six mois d’auditions et plus de 150 personnalités interrogées, avait conclu que l’Etat est le « premier responsable » du scandale du chlordécone aux Antilles.
Un avis qui expose à quel point les volontés privées ont ici pris le pas sur l’intérêt général. Les intérêts des industriels de la banane française aux Antilles, donc de quelques familles, ont été privilégiés. Le maintien de la production bananière a primé sur la sauvegarde de la santé publique et du vivant et a provoqué un désastre sanitaire, environnemental et économique sans précédent.
Un Etat de droit ne peut pas se contenter de dire qu’il y a un non-lieu face à une injustice d’une telle gravité. L’écocide perpétré aux Antilles ne peut rester impuni. Alors que plus de 90 % de la population adulte antillaise est contaminée, détenant le triste record mondial de cancers de la prostate, l’ensemble des victimes doit être soutenu. Le gouvernement doit répondre aux demandes de reconnaissance comme maladie professionnelle de pathologies issues de contamination par le chlordécone.
Le Conseil régional Centre-Val de Loire, réuni en séance plénière le 9 février 2023 à Blois :
- exprime sa solidarité avec ses compatriotes antillais face au scandale sanitaire, social et environnemental du chlordécone et soutient la décision des parties civile de faire appel ;
- demande à la République française de reconnaître toutes les victimes et de les indemniser à hauteur de leur préjudice.