Santé environnementale et revenus décents pour les agriculteurs doivent aller de pair : des politiques en cohérence sont nécessaires !

VOEU présenté par le groupe Ecologie et Solidarité lors de la session plénière du 22 février 2024.

VOEU rejeté.

Notre volonté est de garantir le juste droit aux agriculteurs et agricultrices à vivre de leur métier dans un cadre sain qui n’impacte pas leur santé, ainsi que celle d’autres populations.

Nous déplorons la non participation au vote du groupe Socialiste, Radicaux et Citoyens, ainsi que l’absence dans l’hémicycle de nombreux élu-es.

Nos voix, accompagnées de celles du groupe Communiste et Républicain n’ont pas été suffisantes pour s’opposer aux votes de la droite et de l’extrême-droite.


Le monde agricole dans sa grande diversité a lancé l’alerte : l’agriculture ne doit pas être marchandisée à l’extrême, elle ne doit pas détruire son auxiliaire de travail, le vivant, et elle ne doit pas être économiquement dépendante de l’agro-industrie.

Quand le profit passe avant les conditions de travail, la santé humaine, la protection des milieux naturels, quand le libre-échange crée une concurrence déloyale et la course au moins disant écologique, comment ne pas être en colère ? La colère est partagée car ce sont nos conjoint·es, nos parents, nos enfants qui meurent de maladies environnementales. C’est notre eau, bien commun fondamental par excellence, qui est polluée par les perturbateurs endocriniens et les métabolites de pesticides. Ce sont nos paysages qui sont dégradés par l’eutrophisation et les algues vertes. Cette situation est insensée.

Mais pour la grande distribution et les industries de la chimie, la juste valorisation des produits agricoles et la diminution des intrants chimiques sont des revendications hostiles à leur système économique prédateur. Et ce sont bien ces deux sujets qui sont les perdants suite au mouvement social qui a embrasé la France.

Le gouvernement montre du doigt les entreprises qui ne respectent pas la loi « Egalim », qui exige 50% de produits de qualité dont 20% de bio, mais se garde bien de rendre la loi contraignante. De la même manière, les agriculteurs sont sommés d’assurer la souveraineté alimentaire, mais l’Etat se garde bien de proposer des prix planchers pour les produits agricoles. Le gouvernement montre du doigt les collectivités qui n’achètent pas local et bio, mais il signe un traité de libre-échange qui, par exemple, fait venir des agneaux de l’autre bout du monde pour inonder le marché intérieur. Le gouvernement fait semblant de s’attrister du sort des agriculteurs et des agricultrices, mais en même temps ses relais au Parlement européen votent avec l’extrême droite une Politique agricole commune qui renforce les inégalités de revenu. C’est un « en même temps » qui privilégie systématiquement les plus puissants.

Pour tuer dans l’oeuf toute remise en question du système, le gouvernement a jeté en patûre le plan Ecophyto, plan non exempt de défauts mais qui avait le mérite d’exister et sur lequel de nombreuses instances travaillaient pour le rendre plus efficient. Les moyens consacrés au plan Ecophyto (600 millions d’euros par an en moyenne) ne doivent pas être diminués, mais permettre un accompagnement direct des agriculteurs et agricultrices.  L’agriculture biologique en particulier doit être aidée alors qu’elle subit la crise inflationniste et la perte de pouvoir d’achat de nos concitoyen·nes.

En soutien aux droits des travailleurs et travailleuses et de leurs familles, 13 mutuelles ont demandé qu’au même titre que les victimes de l’amiante, les professionnel·les victimes des pesticides obtiennent soit une réparation intégrale (incapacité fonctionnelle, perte de gains, frais résultant de la pathologie, préjudice moral et physique…), soit la prise en charge de tous les préjudices par les fabricants de pesticides et l’Etat, via le Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides (FIVP).

Le même jour, les apiculteurs et apicultrices ont dénoncé la catastrophe que représente la mise en « pause » du plan Ecophyto, pour leurs essaims et pour les insectes pollinisateurs en général, lesquelles jouent un rôle crucial dans la production alimentaire puisque de nombreuses cultures en dépendent. 

Dans une tribune publiée par Le Monde le 7 février, plus de 70 scientifiques (de l’INRAE, de l’INSERM, du CNRS) ont souligné combien cette décision contredit l’objectif de réduction de l’usage des pesticides et est « une mise au placard des connaissances scientifiques ».

Le Centre-Val de Loire a été précurseur dans la lutte pour la réduction de l’usage des pesticides. Dès 2005, bien avant la loi Labbé, la Région a accompagné le projet « Objectif Zéro Pesticide dans nos villes et villages ». En 2020, à l’issue d’une étude sur les enjeux des perturbateurs endocriniens, elle a signé une charte d’engagements et adopté un plan d’actions afin d’agir au quotidien contre ces substances.

Les industries chimiques posent de vrais problèmes de santé publique, mais savent faire pression sur les dirigeant·es politiques. D’abord reportée à la fin 2023, la révision du règlement « Reach » sur les substances chimiques ne fait même pas partie du programme de travail de la Commission européenne pour 2024. Pendant ce temps, les affaires de contamination aux PFAS (per et polyfluoroalkylées) se multiplient. Depuis quelques jours, l’usine Solvay de Salindres (Gard) est accusée d’être à l’origine de la plus importante contamination au monde de TFA, un de ces « polluants éternels », dans l’eau potable et les cours d’eau en aval de ce site chimique. Quant à la multinationale 3M, elle a accepté en 2023 de payer entre 10 et 12,5 milliards de dollars aux villes et aux municipalités américaines qui poursuivaient le groupe en justice dans l’affaire dite des polluants éternels. A ce stade, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) commence juste à établir un état des lieux de la présence de PFAS dans les ressources en eau et dans l’eau destinée à la consommation humaine. Il n’y a cependant pas lieu d’attendre pour agir en interdisant la commercialisation de ces substances dangereuses pour notre santé et que nous ne pourrons pas éliminer une fois notre environnement contaminé.

Notre collectivité a le devoir d’intervenir dans le domaine de la santé environnementale, notamment dans le cadre du Plan Régional Santé-Environnement (PRSE 4) et de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB). Mais notre Région ne peut tenir ses engagements si l’Etat n’intervient pas ou, pire, abandonne ses propres plan d’action.

Le Conseil régional Centre-Val de Loire, réuni en séance plénière le 22 février 2024 à Orléans :

  • rappelle que la qualité de l’eau que nous buvons constitue en enjeu de sécurité alimentaire ;
  • souligne l’importance de la stratégie « Ecophyto 2030 », visant à rendre plus efficient le plan national Ecophyto et qui était sur le point d’être mise en œuvre, et s’indigne donc du détricotage en cours d’Ecophyto qui évite au gouvernement d’aborder le sujet central de la rémunération des agriculteurs et agricultrices et de poser les questions de fond sur la manière dont fonctionne le système ;
  • demande que l’indicateur NODU, principal indicateur de mesure de l’usage des pesticides en France, soit conservé ;
  • considère que cette suspension met en difficulté la Région dans son obligation d’atteindre les objectifs assignés par l’Etat dans le cadre du Plan Régional Santé-Environnement (PRSE 4) et de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB) ;
  • interpelle la préfète de Région sur la nécessité pour l’Etat de ne pas abandonner les projets prévus en Centre-Val de Loire dans le cadre du plan Ecophyto, en maintenant leurs financements au bénéfice des agricultrices et des agriculteurs ;
  • demande à l’ANSES un état des lieux, à la hauteur des connaissances actuelles, de la présence de PFAS dans l’environnement sur le territoire régional, et invite la préfète et les services de l’Etat en région à travailler à un plan conjoint d’actions avec le Conseil régional sur ces substances toxiques.